Information numérique

Les rivières apparemment sans fin d’informations

À l’époque pré-web, avant 1994, l’information venait déjà à nous mais de manière limitée, par rapport à aujourd’hui, 30 ans plus tard, en 2024.

Certes, nous avions l’abonnement au journal, la radio locale, la télévision, principalement locale, elle aussi mais avec de plus en plus de canaux “payants” et “par abonnement mensuel” venus d’ailleurs et aussi, des magazines variés qu’on voyait dans les commerces mais pour lesquels, souvent, on préférait payer un abonnement annuel.

Il ne faisait aucun doute que nous avions accès à l’information depuis notre domicile mais en se déplaçant vers les bibliothèques, là, on avait accès à des contenus si vastes qu’on pouvait habituellement trouver le contenu qui nous convenait, pour les besoins de l’époque.

On voyait combien les flux d’informations étaient abondants et accessibles mais on sentait, généralement parlant que c’est nous qui allions vers cette information, selon notre convenance.

Avec les années, ça a changé.

Bien qu’on puisse toujours aller vers l’information, on constate tous que c’est l’information qui vient de plus en plus à nous. Et ça nous arrive via des schèmes qui nous offrent une personnalisation à un niveau inédit où, par exemple, une niche comme le jardinage peut regorger de tant d’informations qu’une personne normalement constituée peut passer de nombreuses années à s’informer et à s’autoperfectionner à propos de ce thème sans jamais s’ennuyer ou sentir qu’elle stagne.

Nous avons donc vécu la spécialisation et même l’hyperspécialisation des informations et à plusieurs degrés, nous sommes encore dans cette mouvance mais il y a tant de niches intéressantes à explorer que ça a l’effet paradoxal de nous encourager à reprendre toutes nos lettres de noblesse en tant que généralistes.

Parce que les humains sont fondamentalement généralistes.

Tout le monde a ses préférences, certes mais à la base, nous sommes capables de tant de choses que le généralisme est la normale du genre humain.

Ainsi, les généralistes que nous sommes faisons l’expérience des spécialismes nés des informations produites, reproduites, actualisées et autrement rendues disponibles pour ajouter des connaissances à notre corpus de savoir.

Ceci dit, avec autant d’information qui vient à nous, il est possible qu’on se retrouve dans une inconvenante situation d’infobésité. Une obésité d’information, en quelque sorte.

Non-seulement l’humain crée des volumes pharaoniques d’informations mais les ordinateurs, avec leurs algorithmes d’intelligence artificielle, peuvent depuis quelques années nous offrir d’infinis angles d’analyses en regard de ces informations et de bien d’autres, via des inférences et même des scénarios d’analyses qui peuvent donner l’impression de prédictions, basées sur des informations référencées.

Ça signifie que l’humain doit impérativement reprendre la souveraineté de sa gouverne informationnelle afin d’éviter de tomber dans un des nombreux pièges où les opinions sont en quelque sorte obtenues via autrui, par opposition à se faire, soi-même, ses opinions. Indépendamment des influences qui pourraient ouvrir la voie à des idéologies contraires à celles initialement pressenties (avant de reconnaître les jeux de propagandes, en quelque sorte).

La prise de conscience qu’une forme ou une autre d’infobésité nous guette nous permet de faire un usage plus sélectif des rivières d’informations qui se rendent (ou peuvent facilement se rendre) jusqu’à nous.

Une fois conscients de l’abondance d’informations (toute relative, malgré tout), il devient plus facile de choisir, par soi-même.

On ne se sent plus autant esclave de nos routines informationnelles.

On fait l’effort d’exister dans ce nouveau paradigme d’abondance afin d’en profiter sans s’y noyer, pour ainsi dire.

Cette dynamique changeante n’est d’ailleurs pas prête d’arrêter puisqu’il existe sans cesse plus de contenus et de manières, humaines ou algorithmocentriques, de valoriser ceux-ci. De ce fait, il nous appartient de demeurer gardiens de notre souveraineté, en toutes choses et en toutes circonstances.

Avec une conscience collective, certes mais tout en demeurant farouchement souverain.

Un cultivateur bienveillant à la fois de sa propre souveraineté et de ses infinies connexions pluricollectives qui vivent, elles aussi, en partie en soi et par-delà, aussi.

Donc, oui, nous sommes tous concernés par les dangers nés d’une consommation compulsive d’informations mais comme en plusieurs autres matières, dans la vie, il faut rechercher une forme d’équilibre pour voir à la pleine réalisation de sa propre existence, en conscience des défis et des opportunités collectives que ça suppose et amène.

Profitez des rivières d’information en prenant soin, consciemment, d’éviter les excès, autant que possible. Votre intention doit, idéalement, demeurer celle de la recherche du bonheur et non la normalisation de ce qui ne l’est pas.

Claude Gélinas

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